Sommaire                                                                                                                  

 

LIVRE IV:DES DROITS RÉELS ACCESSOIRES OU DES SURETES RÉELLES

TITRE I: DE L’HYPOTHÈQUE

Art. 882. – Le contrat d’hypothèque est le contrat par lequel le créancier acquiert sur un immeuble affecté au paiement de sa créance, un droit réel qui lui permet de se faire rembourser par préférence aux créanciers inférieurs en rang, sur le prix de cet immeuble en quelque main qu’il passe.

Chapitre I:De la constitution de l’hypothèque

Art. 883 – L’hypothèque ne peut être constituée qu’en vertu d’un acte authentique, d’un jugement ou de la loi.

Sauf stipulation contraire, les frais de l’acte sont à la charge du constituant.

Art. 884. – Le constituant peut être le débiteur lui-même ou un tiers qui consent l’hypothèque dans l’intérêt du débiteur.

Dans les deux cas, le constituant doit être propriétaire de l’immeuble à l’hypothéquer et capable de l’aliéner.

Art. 885. – Demeure valable au profit du créancier hypothécaire, l’hypothèque consentie par un propriétaire dont le titre propriété vient à être résolu, résilié ou aboli pour toute autre cause, s’il est établi que le créancier hypothécaire était de bonne foi lors de la conclusion de l’acte d’hypothèque.

Art. 886. – Sauf disposition contraire, l’hypothèque ne peut être constituée que sur des immeubles.

L’immeuble hypothéqué doit être dans le commerce et susceptible d’être vendu aux enchères publiques. En outre, l’immeuble à hypothéquer doit être spécialement désigné d’une manière précise, tant en ce qui concerne sa nature que par rapport à sa situation. La désignation doit, à peine de nullité de l’hypothèque, être portée soit dans l’acte constitutif même, soit dans un acte authentique subséquent.

Art. 887. – sauf convention contraire et sans préjudice du privilège prévu par l’article 997, attaché aux sommes dues aux entrepreneurs et aux architectes, l’hypothèque s’étend aux accessoires du bien hypothéqué qui sont réputés immeubles, notamment, aux servitudes, aux immeubles par destination, et à toutes les améliorations et constructions qui profitent au propriétaire.

Art. 888. – A partir de la transcription du commandement immobilier, valant saisie immobilière, les fruits et revenus de l’immeuble hypothéqué, sont immobilisés et distribués au même titre que le prix de l’immeuble.

Art. 889. – Le propriétaire de construction édifiée sur un terrain appartenant à autrui peut les hypothéquer. Dans ce cas, le créancier hypothécaire a un droit de préférence sur le prix des constructions démolies, ou sur l’indemnité payée par le propriétaire du terrain, si celui-ci conserve les constructions conformément aux règles de l’accession.

Art. 890. – L’hypothèque consentie par tous les co-propriétaires sur un immeuble indivis, conserve son effet quel que soit ultérieurement le résultat du partage ou de la licitation. Si l’un des co-propriétaires consent une hypothèque sur sa quote-part indivise ou sur une part divise de l’immeuble, et qu’à la suite du partage les biens hypothèques ne lui sont pas attribués, l’hypothèque est transportée, avec son rang, sur les biens à lui attribuer dans les limites de la valeur des biens précédemment hypothéqués. Ces biens sont déterminés par une ordonnance sur requête. Le créancier hypothécaire est tenu, dans les 90 jours de la notification qui lui est faite par tout intéressé, de la publication du partage, de requérir une nouvelle inscription indiquant les biens sur lesquels l’hypothèque est transportée. L’hypothèque, ainsi transportée, ne doit porter aucun préjudice, ni à une hypothèque déjà consentie par tous les copropriétaires, ni au privilège du co-partageant.

Art. 891. – L’hypothèque peut être constituée pour garantir une créance conditionnelle, future, éventuelle, un crédit ouvert ou l’ouverture d’un compte courant, à condition que le montant de la créance garantie, ou le maximum qu’elle pourrait atteindre, soit déterminé dans l’acte constitutif.

Art. 892. – A défaut de disposition ou de convention contraire, chaque fraction de l’immeuble ou des immeubles hypothéqués répond de la totalité de la dette, et chaque portion de la dette est garantie par la totalité de l’immeuble ou des immeubles hypothéqués.

Art. 893. – Sauf disposition légale contraire, l’hypothèque est inséparable de la créance qu’elle garantit; elle dépend de cette créance quant à sa validité et à son extinction.

Si le constituant de l’hypothèque est une personne autre que le débiteur, elle peut se prévaloir, en plus des exceptions qui lui sont personnelles, de celles, qui peuvent appartenir personnellement au débiteur, nonobstant la renonciation de ce dernier.

Chapitre II: Des effets de l’hypothèque

Section I: Des effets entre les parties

§ I. – A l’égard du constituant.

Art. 894. – Le constituant peut disposer de l’immeuble hypothéqué; toutefois, l’acte de disposition ne préjudicie pas au droit du créancier hypothécaire.

Art. 895. – Le constituant de l’hypothèque peut faire tous les actes d’administration, à l’égard de l’immeuble hypothéqué, et en percevoir les fruits jusqu’au moment de leur immobilisation.

Art. 896. – Le bail conclu par le constituant de l’hypothèque n’est opposable au créancier hypothécaire que s’il a acquis date certaine antérieure à la publication du commandement immobilier. Le bail n’ayant pas date certaine avant cette publication ou conclu postérieurement, sans anticipation du prix, n’est opposable au créancier hypothécaire que s’il est considéré comme acte de bonne administration.

Si la durée du bail conclu avant la publication du commandement immobilier, dépasse neuf ans, le bail n’est opposable au créancier hypothécaire que pour neuf ans, à moins qu’il n’ait été publié avant l’inscription de l’hypothèque.

Art. 897. – La quittance et la cession du loyer anticipé, faites pour une durée ne dépassant pas trois ans, ne sont opposables au créancier hypothécaire que si elles ont date certaine antérieure à la transcription du commandement immobilier.

Si la quittance ou la cession sont faites pour une durée supérieure à trois ans, elles ne sont opposables au créancier hypothécaire que si elles ont été publiées avant l’inscription de l’hypothèque; à défaut de cette publication, la durée est réduite à trois ans, sous réserve de la disposition de l’alinéa précédent.

Art. 898. – Le constituant de l’hypothèque est garant de son efficacité. Le créancier hypothécaire peut s’opposer à tout acte et relever toute omission de nature à diminuer considérablement sa sûreté, et, en cas d’urgence, prendre toutes les mesures conservatoires nécessaires, aux frais du constituant de l’hypothèque.

Art. 899. – Si, par la faute du constituant de l’hypothèque, l’immeuble hypothéqué subit une perte ou une détérioration, le créancier hypothécaire peut, à son choix, demander une sûreté suffisante ou exiger le paiement immédiat de sa créance.

Si la perte ou la détérioration sont dues à une cause qui n’est pas imputable au débiteur, et que le créancier n’accepte pas de laisser sa créance sans sûreté, le débiteur a le choix de fournir une sûreté suffisante, ou de payer la dette avant l’échéance.

Dans tous les cas, si les actes accomplis sont de nature à occasionner la perte ou la détérioration de l’immeuble hypothéqué ou à le rendre insuffisant pour la sûreté de la créance le créancier hypothécaire peut demander au juge de faire cesser ces actes et d’ordonner les mesures nécessaires pour éviter le dommage.

Art. 900. – En cas de perte ou de détérioration de l’immeuble hypothéqué pour quelque cause que ce soit, l’hypothèque est transportée, avec son rang, sur la créance qui résulte de la perte ou de la détérioration tels que le montant de la réparation du préjudice, les indemnités d’assurance ou d’expropriation pour cause d’utilité publique.

§ II.- A l’égard créancier hypothécaire.

Art. 901. – Si le constituant de l’hypothèque est une personne autre que le débiteur, seuls les biens hypothéqués, à l’exclusion des autres biens, peuvent être poursuivis; et, à défaut de convention contraire, il n’a pas le bénéfice de discussion.

Art. 902. – Le créancier peut, après commandement au débiteur, procéder, dans les délais et suivant les formes requises par le code de procédure civile, à l’expropriation et à la vente de l’immeuble hypotéqué.

Si le constituant de l’hypothèque est une personne autre que le débiteur, il peut éviter les poursuites en délaissant l’immeuble hypothéqué, selon les formes et les règles prescrites pour le délaissement par le tiers détenteur.

Art. 903. – Est nulle toute convention, même postérieure à la constitution de l’hypothèque, qui autorise le créancier, en cas de non-paiement à l’échéance, à s’approprier l’immeuble hypothéqué à un prix déterminé, quel que soit le prix, ou à le vendre sans observer les formalités requises par la loi.

Toutefois, il peut être convenu, après l’échéance de la dette ou de l’un de ses termes, que le débiteur cède au créancier l’immeuble hypothéqué en paiement de la dette.

Section II: Des effets à l’égard des tiers

Art. 904. – Le droit d’hypothèque n’est opposable aux tiers que si l’acte ou le jugement établissant l’hypothèque, a été inscrit avant que les tiers n’acquièrent les droits réels sur l’immeuble, et sans préjudice des dispositions établies en matière de faillite.

La cession d’un droit garanti par une inscription, la subrogation légale ou conventionnelle à ce droit et la cession du rang hypothécaire au profit d’un autre créancier, ne sont opposables aux tiers qu’après avoir fait l’objet d’une mention en marge de l’inscription originaire.

Art. 905. – L’inscription, son renouvellement, sa radiation, l’annulation de la radiation et les effets y attachés, sont régis par les dispositions de la loi réglementant la publicité foncière.

Art. 906. – Sauf convention contraire, les frais de l’inscription, de son renouvellement et de sa radiation sont à la charge du constituant de l’hypothèque.

Section III: Du droit de préférence et du droit de suit

Art. 907. – Les créanciers hypothécaires seront payés avant les créanciers chirographaires, sur le prix de l’immeuble, ou sur la créance qui s’y est substituée, dans l’ordre de leur rang d’inscription, même s’ils ont été inscrits le même jour.

Art. 908. – L’hypothèque prend rang du jour de son inscription lors même qu’il s’agit d’une créance conditionnelle, future ou éventuelle.

Art. 909. – L’inscription de l’hypothèque sert à faire implicitement colloquer au même rang, les frais de l’acte de l’inscription et de renouvellement.

La publicité du commandement immobilier par l’un des créanciers, profite à tous les autres.

Art. 910. – Le créancier hypothécaire peut, dans les limites de sa créance garantie, céder son rang au profit d’un autre créancier inscrit sur le même immeuble. Les exceptions opposables au cédant, à l’exclusion de celles relatives à l’extinction de sa créance, lorsque l’extinction est postérieure à la cession, peuvent être opposées aux cessionnaires.

Art. 911. – Le créancier hypothécaire peut, à l’échéance de la dette, poursuivre l’expropriation de l’immeuble hypothéqué à l’encontre du tiers détenteur, à moins que ce dernier ne préfère payer la dette, purger l’hypothèque ou délaisser l’immeuble.

Est réputé tiers détenteur toute personne qui, sans être tenue personnellement de la dette garantie, acquiert, par un mode quelconque, la propriété de l’immeuble hypothéqué ou un autre droit réel susceptible d’hypothèque.

Art. 912. - Le tiers détenteur peut, à l’échéance de la dette garantie par l’hypothèque et jusqu’à l’adjudication, payer la dette et ces accessoires y compris les frais des poursuites depuis la sommation. Dans ce cas, il a un recours, pour tout ce qu’il a payé, contre le débiteur et contre le précédent propriétaire de l’immeuble. Il peut également être subrogé au créancier remboursé dans tous ses droits, à l’exception de ceux relatifs aux sûretés fournies par une personne autre que le débiteur.

Art. 913. - Le tiers détenteur doit maintenir l’inscription dans laquelle il est subrogé au créancier et la renouveler, s’il y a lieu jusqu’à la radiation des inscriptions existant au moment de la publicité de son titre d’acquisition.

Art. 914. - Si, par suite de l’acquisition de l’immeuble hypothéqué, le tiers détenteur est débiteur d’une somme immédiatement exigible et suffisante à rembourser tous les créanciers contraindre au paiement pourvu que son titre de propriété ait été publié.

Si la dette du tiers détenteur n’est pas exigible, ou si elle est inférieure ou différente de ce qui est dû aux créanciers, ces derniers peuvent également, de commun accord; réclamer au tiers détenteur le paiement, jusqu’à due concurrence de ce qu’il doit, suivant les modes et le terme de son obligation.

Dans l’un et l’autre cas, le tiers détenteur ne peut éviter le paiement aux créanciers en délaissant l’immeuble; mais lorsque le paiement a été effectué, l’immeuble est réputé libre de toute hypothèque, et le tiers détenteur a le droit de requérir la radiation des inscriptions.

Art. 915. - Le tiers détenteur qui a publié son titre de propriété, peut purger l’immeuble de toute hypothèque inscrite avant la publication de son titre.

Il peut exercer cette faculté même avant que les créanciers hypothécaires n’aient signifié un commandement au créancier ou n’aient fait sommation au tiers détenteur et ce, jusqu’au dépôt du cahier des charges.

Art. 916. - Si le tiers détenteur entend procéder à la purge, il doit faire aux créanciers inscrits, dans les domiciles par eux élus dans leurs inscriptions, des significations comprenant les énonciations suivantes :

-extrait de son titre, contenant seulement la nature et la date de l’acte, le nom et la désignation précise du précédent propriétaire, la situation et la désignation précise de l’immeuble et, s’il s’agit d’une vente, le prix et, s’il y a lieu, les charges qui en font partie.

- date, volume et numéro de la publication de son titre.

- somme à laquelle il évalue l’immeuble, même quand il s’agit d’une vente. Cette somme ne peut être inférieure à la mise à prix en cas d’expropriation, ni moindre, en tous cas, que la somme restant à payer sur le prix s’il s’agit d’une vente. Si chaque partie de l’immeuble est grevée d’une hypothèque spéciale, il doit faire l’évaluation de chaque partie séparément.

- tableau des inscriptions prises avant la publication de son titre, ce tableau doit contenir la date de ces inscriptions, le montant des créances inscrites et le nom des créanciers.

Art. 917. - Par le même acte, le tiers détenteur doit déclarer être prêt à acquitter les créances inscrites jusqu’à concurrence de la somme à laquelle l’immeuble est évalué, son offre ne doit pas être faite à deniers découverts, mais elle consiste à faire connaître qu’il est disposé à payer une somme au comptant, quelle que soit la date d’échéance des créances inscrites.

Art. 918. - Il appartient à tout créancier inscrit et à toute caution d’une créance inscrite, de requérir la vente de l’immeuble qui fait l’objet de la purge, pourvu que la demande soit présentée dans un délai de trente jours à partir de la dernière signification. Ce délai est augmenté des délais de distance entre le domicile réel du créancier et son domicile élu, ces derniers ne pouvant être supérieurs à trente nouveaux jours.

Art. 919. - La réquisition est faite par une notification au tiers détenteur et au précédent propriétaire et signée par le requérant ou par son mandataire muni d’un pouvoir spécial. Le requérant doit déposer au trésor, une somme suffisante pour couvrir les frais des enchères, et il n’a aucun droit au remboursement des frais avancés s’il n’a pas obtenu un prix supérieur à celui offert par l’acquéreur. L’omission d’une de ces conditions entraîne la nullité de la demande.

Le requérant peut se désister de la réquisition sans le consentement de tous les créanciers inscrits et de les cautions.

Art. 920. - Lorsque la vente de ’immeuble est requise, les formalités prescrites en matière d’expropriation forcée, doivent être suivies. La vente a lieu à la diligence soit du requérant, soit du tiers détenteur. Le poursuivant énonce dans les affiches de la vente, la somme à laquelle l’immeuble est évaluée.

L’adjudicataire est tenu, outre le paiement du prix de l’adjudication et les frais de la purge, de restituer au tiers détenteur dépossédé les frais de son contrat, de sa publication et ceux des notifications.

Art. 921. - Si la vente de l’immeuble n’est pas requise dans le délai et suivant les formes prescrites, la propriété de l’immeuble, libérée de toute inscription, demeure définitivement à l’acquéreur s’il a payé la somme à laquelle il a évalué l’immeuble augmentée d’un dixième, aux créanciers qui sont en ordre utile de recevoir ou s’il a consigné cette somme au trésor.

Art. 922. - Le délaissement de l’immeuble hypothéqué s’effectue par une déclaration faite au greffe du tribunal compétent par le tiers détenteur qui doit en requérir mention en marge de la publication du commandement immobilier et qui doit, dans les cinq jours de sa date, la notification au créancier poursuivant.

La partie la plus diligente peut demander au juge des référés, la nomination d’un séquestre à l’encontre duquel les poursuites d’expropriation seront dirigées. Le tiers détenteur, s’il le demande, sera nommé séquestre.

Art. 923. - Si le tiers détenteur n’opte ni pour le paiement des créances inscrites, ni pour la purge, ni pour le délaissement de l’immeuble, le créancier hypothécaire ne peut engager contre lui les poursuites d’expropriation, conformément aux dispositions du code de procédure civile, qu’après lui avoir fait sommation de payer la dette exigible ou de délaisser l’immeuble. Cette sommation est notifiée soit après la signification du commandement immobilier, soit en même temps qu’elle.

Art. 924. - Le tiers détenteur qui a publié son titre d’acquisition et qui n’était pas partie dans l’instance dans laquelle un jugement a prononcé la condamnation du débiteur à payer la dette, peut si la condamnation est postérieure à la publication, opposer toutes les exceptions qui n’auraient pu être soulevées par le débiteur.

Il peut également, dans tous les cas, opposer les exceptions qui appartiennent au débiteur après la condamnation.

Art. 925. - Le tiers détenteur peut prendre part aux enchères, à condition qu’il n’offre pas un prix inférieur à la somme qu’il doit encore sur le prix de l’immeuble à vendre.

Art. 926. - Si l’immeuble hypothéqué est exproprié, même après la procédure de la purge ou de délaissement, et que le tiers détenteur s’en rende lui-même adjudicataire, il est censé en être propriétaire en vertu de son premier titre d’acquisition. L’immeuble est purgé de toute inscription s’il a payé le prix de l’adjudication ou s’il l’a consigné.

Art. 927. - Si, dans les cas précédents, une personne autre que le tiers détenteur se rend adjudicataire de l’immeuble, elle tient son droit en vertu du jugement d’adjudication, de la part du tiers détenteur.

Art. 928. - Si le prix auquel l’immeuble est adjugé dépasse le montant de ce qui est dû aux créanciers inscrits, l’excédent appartient au tiers détenteur, ses créanciers hypothécaires peuvent être payés sur cet excédent.

Art. 929. - Les servitudes et autres droits réels que le tiers détenteur avait sur l’immeuble, avant qu’il n’en acquière la propriété, renaissent à son profit.

Art. 930. - Le tiers détenteur est tenu de restituer les fruits à partir de la sommation de payer ou de délaisser. Si les poursuites commencées ont été abandonnées pendant trois ans, il ne restitue les fruits qu’à compter d’une nouvelle sommation.

Art. 931. - Le tiers détenteur a, contre le précédent propriétaire, une action en garantie et ce, dans la mesure où un recours est ouvert au profit de l’acquéreur à titre gratuit, contre son auteur.

Il a également recours contre le débiteur pour toutes les sommes payées, à quelque titre que ce soit, au-delà de ce qu’il doit en vertu de son contrat d’acquisition. Il est subrogé dans les droits des créanciers par lui remboursés, notamment dans les sûretés fournies par le débiteur, à l’exclusion de celles fournies par un tiers.

Art. 932. - Le tiers détenteur est personnellement responsable envers les créanciers des détériorations causées à l’immeuble par sa faute.

Chapitre III: De l’extinction de l’hypothèque

Art. 933. - L’hypothèque s’éteint par l’extinction de la créance garantie; elle renaît avec la créance si la cause de l’extinction disparaît et ce, sans préjudice des droits qu’un tiers de bonne foi aurait acquis dans l’intervalle.

Art. 934. - Lorsque les formalités de la purge sont accomplies, l’hypothèque est définitivement éteinte, même si la propriété du tiers détenteur qui a procédé à la purge vient à disparaître pour quelque cause que ce soit.

Art. 935. - A moins d’une convention expresse, la vente d’un immeuble hypothéqué n’entraîne pas la translation de la dette à l’acquéreur.

Si le vendeur et l’acquéreur conviennent de céder la dette et si l’acte de vente est transcrit, le créancier doit, après la notification qui lui est faite par la voie légale, ratifier ou refuser la cession dans un délai ne dépassant pas six mois. S’il garde le silence jusqu’à l’expiration du délai, ce silence vaut ratification.

Art. 936. - A la suite de l’adjudication de l’immeuble hypothéqué par voie d’expropriation forcée, quelle soit à l’encontre du propriétaire, du tiers détenteur ou du séquestre auquel l’immeuble délaissé est remis, les hypothèques grevant cet immeuble sont éteintes par la consignation du prix de l’adjudication ou par le paiement aux créanciers inscrits qui sont en ordre utile de recevoir leurs créances sur ce prix.

TITRE II: DU DROIT D’AFFECTATION

Chapitre I: De la constitution du droit d’affectation

Art. 937. - Tout créancier muni d’un jugement exécutoire ayant statué sur le fond et condamnant le débiteur à une prestation déterminée, peut obtenir, en garantie de sa créance en capital, et frais, un droit d’affectation hypothécaire sur les immeubles de son débiteur.

Il ne peut plus, après le décès de son débiteur, prendre une affectation sur les immeubles de la succession.

Art. 938. - Le droit d’affectation ne peut être obtenu en vertu d’un jugement rendu par un tribunal étranger ou une sentence arbitrale que lorsqu’ils sont exécutoires.

Art. 939. - Le droit d’affectation peut être obtenu en vertu d’un jugement qui donne acte d’une transaction ou d’un accord entre les parties.

Art. 940. - Le droit d’affectation ne peut être obtenu que sur un ou plusieurs immeubles déterminés appartenant au débiteur au moment de l’inscription de ce droit et susceptible d’être vendus aux enchères publiques.

Art. 941. - Le créancier qui veut obtenir un droit d’affectation sur les immeubles de son débiteur, présente une requête au président du tribunal dans le ressort duquel sont les immeubles sur lesquels il entend exercer ce droit.

Une copie authentique du jugement ou un certificat du greffe comprenant le dispositif du jugement, doit être annexé à cette requête qui doit contenir les énonciations suivantes :

- les nom, prénoms, profession et domicile réel du créancier avec les élections de domicile dans la ville où le siège le tribunal,

- les nom, prénoms, profession et domicile du débiteur,

- la date du jugement et l’indication du tribunal qui l’a rendu,

-le montant de la créance. Si la créance mentionnée dans le jugement n’est pas liquide, le président du tribunal peut la liquider provisoirement, et fixe le chiffre pour lequel le droit d’affectation peut être accordé,

- la désignation exacte et précise des immeubles par leur situation, avec les pièces établissant leur valeur.

Art. 942. - Le président du tribunal met l’ordonnance au bas de la requête.

Il doit, en autorisant l’affectation, prendre en considération le montant de la créance et la valeur approximative des immeubles désignés et, s’il y a lieu, restreindre l’affectation à une partie de ces immeubles ou à une fraction d’un immeuble, s’il estime que cette fraction est suffisante pour assurer le paiement de la dette en principal et frais due aux créanciers.

L’ordonnance autorisant l’affectation est exécutoire par provision, nonobstant toutes voies de recours.

Art. 943. - Le jour même où l’ordonnance autorisant l’affectation est rendue, le greffe doit le signifier au débiteur.

Art. 944. - Le débiteur peut se pourvoir contre l’ordonnance autorisant l’affectation devant le juge qui l’a rendue, statuant en référé.

Mention doit être faite en marge de l’inscription de toute ordonnance ou de tout jugement annulant l’ordonnance qui a autorisé l’affectation.

Art. 945. - Si, dès le début, à la suite du recours formé par le débiteur, le président du tribunal rejette la requête du créancier sollicitant l’affectation, ce dernier peut en former recours devant la cour.

Chapitre II: De l’effet, de la réduction et de l’extinction
du droit d’affectation

Art. 946. - Tout intéressé peut demander la réduction de l’affectation à une proportion convenable, si la valeur des immeubles grevés de ce droit est supérieure à celle qui suffit pour garantir la dette.

La réduction s’opère soit par la de l’affectation à une partie de l’immeuble ou des immeubles auxquels elle s’applique, soit par le transport droit sur un autre immeuble offrant une sûreté suffisante. Les frais nécessaires pour opérer la réduction, même faite avec le consentement du créancier, sont à la charge de celui qui l’a requise.

Art. 947. - Le créancier bénéficiaire d’une affectation a les mêmes droits que le créancier hypothécaire, et le droit d’affectation est régi par les mêmes dispositions que le droit d’hypothèque notamment par les mêmes dispositions que le droit d’hypothèque notamment en ce qui concerne l’inscription, son renouvellement, sa radiation ainsi que l’indivisibilité du droit, son effet et son extinction, le tout sans préjudice de toutes dispositions spéciales.

TITRE:III DU NANTISSEMENT

Chapitre I: Des éléments du nantissement

Art. 948. - Le nantissement est un contrat par lequel une personne s’oblige, pour la garantie de sa dette ou de celle d’un tiers, à remettre au créancier, où à une tierce personne choisie par les parties, un objet sur lequel elle constitue au profit du créancier, un droit réel en vertu duquel celui-ci peut retenir l’objet jusqu’au paiement de sa créance et peut se faire payer sur le prix de cet objet, en quelque main qu’il passe, par préférence aux créanciers chirographaires et aux créanciers inférieurs en rang.

Art. 949. - Ne peuvent faire l’objet d’un nantissement que les biens meubles ou immeubles susceptibles d’être vendus séparément aux enchères publiques.

Art. 950. - Sont applicables au nantissement, les dispositions des articles 891, 893 et 904 relatives à l’hypothèque.

Chapitre II: Des effets du nantissement

Section I: Entre les parties

§I - Des obligations du constituant du nantissement

Art. 951. - Le constituant du nantissement est tenu d’en remettre l’objet au créancier ou au tiers choisi par les parties à cet effet.

L’obligation de remettre l’objet du nantissement est régie par les dispositions applicables à l’obligation de livrer la chose vendue.

Art. 952. - Si l’objet du nantissement retourne entre les mains du constituant, le nantissement s’éteint à moins que le créancier nanti ne prouve que ce retour a eu lieu pour une raison autre que celle de l’extinction du nantissement. Le tout sans préjudice des droits tiers.

Art. 953. - Le constituant au nantissement est garant du nantissement et de son efficacité. Il ne peut rien faire qui soit de nature à diminuer la valeur de l’objet ou à empêcher le créancier d’exercer ses droits découlant du nantissement. Le créancier nanti peut, en cas d’urgence, prendre aux frais du constituant toutes les mesures conservatoires nécessaires.

Art. 954. - La perte ou la détérioration de l’objet mis en nantissement sont à la charge du constituant lorsqu’elles sont dues par sa faute ou par un cas de force majeure.

Sont applicables au nantissement les dispositions des articles 899 et 900 relatives à la perte ou à la détérioration de l’immeuble hypothéqué et au transport du droit du créancier à la créance qui remplace chose hypothéquée.

§ II - Obligations du créancier nanti.

Art. 955. - Le créancier nanti doit veiller à la conservation de l’objet à lui remis et y apporter tout le soin d’un bon père de famille. Il est responsable de sa perte ou de sa détérioration, à moins qu’il ne prouve qu’elles sont dues à une cause qui ne lui est pas imputable.

Art. 956. - Le créancier nanti ne doit tirer aucun profit gratuit de l’objet du nantissement.

Il doit, à moins de stipulation contraire, lui faire produire tous les fruits dont il est susceptible.

Le revenu net qu’il en retire et la valeur de son usage seront imputés sur la somme garantie, même encore échue. L’imputation se fait d’abord sur les dépenses faites pour la conservation et la réparation de l’objet, puis sur les frais et enfin sur le capital de la dette.

Art. 957. - Si les parties n’ont pas fixé une date pour l’échéance de la dette garantie, le créancier peut exiger le paiement de sa créance autrement que par un prélèvement sur les fruits, réserve faite du droit pour le débiteur de s’acquitter de sa dette à tout moment qu’il juge utile.

Art. 958. – Le créancier nanti a l’administration de la chose, et il doit y apporter tout le soin d’un bon père de famille.

Il ne peut, sans l’assentiment du constituant du nantissement, changer le mode de l’exploitation de la chose. Il est tenu d’avertir immédiatement le constituant de tout fait qui exige son intervention.

En cas d’abus de ce droit, de mauvaise gestion ou de négligence grave de la part du créancier, le constituant du nantissement a le droit de requérir la mise de la chose sous séquestre ou d’en réclamer la restitution contre paiement de la dette.

Art. 959. – Le créancier nanti doit, après avoir reçu toute sa créance, ses accessoires, les impenses et les réparations, restituer l’objet du nantissement au constituant.

Art. 960. – Sont applicables au nantissement, les dispositions de l’article 901, relatives à la responsabilité du constituant de l’hypothèque qui n’est pas le débiteur, ainsi que les dispositions de l’article 903 relatives au pacte commissoire et à la clause de voie parée.

Section II: A l’égard des tiers

Art. 961. – Pour que le nantissement soit opposable aux tiers, le bien remis en nantissement doit être entre les mains du créancier ou de la tierce personne choisie par les contractants

Le bien mis en nantissement peut garantir plusieurs dettes.

Art. 962. – Le nantissement confère au créancier nanti le droit de retenir la chose à l’encontre de tous, sans préjudice des droits des tiers régulièrement conservés.

Si le créancier est dépossédé de la chose contre son gré ou à son insu, il a le droit de se faire restituer à l’encontre du tiers, conformément aux dispositions relatives à la possession.

Art. 963. – Le nantissement garantit non seulement le capital de la créance, mais également au même rang :

- les impenses nécessaires faites pour la conversation de la chose;

- les réparations des dommages résultant de vices de la chose;

- les frais de l’acte constitutif de la dette et de celui du nantissement et de son inscription, s’il y a lieu;

- les frais occasionnés par la réalisation du nantissement.

Chapitre III: De l’extinction du nantissement

Art. 964. – Le droit de nantissement s’éteint par l’extinction de la créance garantie; il renaît avec la créance si la cause de l’extinction disparaît et ce, sans préjudice des droits qu’un tiers de bonne foi aurait régulièrement acquis dans l’intervalle.

Art. 965. – Le droit de nantissement s’éteint également par l’une des causes suivantes :

- la renonciation à ce droit par le créancier nanti. La renonciation peut résulter tacitement de ce que le créancier se dessaisit volontairement de la chose engagée ou de ce qu’il consent sans réserve à son aliénation. Toutefois, si la chose est grevée d’un droit établi au profit d’un tiers, la renonciation du créancier n’est opposable à ce qu’avec son consentement.

- La réunion du droit de nantissement et de celui de la propriété sur la tête de la même personne.

- La perte de la chose ou l’extinction du droit donné en nantissement.

Chapitre IV: Du nantissement immobilier

Art. 966. – Pour que le nantissement immobilier soit opposable aux tiers, il faut, outre la remise de l’immeuble au créancier, que l’acte d’antichrèse soit inscrit. Sont applicables à cette inscription les mêmes dispositions qui régissent l’inscription de l’hypothèque.

Art. 967. – Le créancier gagiste peut donner l’immeuble à bail au constituant, et l’antichrèse n’en est pas moins opposable aux tiers. Si le bail est stipulé dans l’acte constitutif, il doit être énoncé dans l’inscription même de l’antichrèse; mais le bail est conclu ultérieurement, mention doit en être faite en marge de cette inscription. La mention n’est pas nécessaire si le bail est renouvelé par tacite reconduction.

Art. 968. – Le créancier gagiste doit pouvoir à l’entretien de l’immeuble engagé, aux dépenses nécessaires à sa conversation, ainsi qu’aux impôts et charges annuels, sauf à imputer le montant de ces frais sur les fruits ou à se le faire rembourser, à son rang, sur le prix de l’immeuble. Il peut toujours se décharger de ses en abandonnant son droit à l’antichrèse.

Chapitre V: Du gage

Art. 969. – Outre la remise du meuble gagé au créancier, faut, pour que le gage soit opposable aux tiers, qu’il soit constitué par un écrit désignant suffisamment le montant de la dette garantie et l’objet engagé et portant date certaine. Le rang du créancier gagiste est déterminé par cette date certaine.

Art. 970. – Sont applicables au gage les règles relatives aux effets de la possession des meubles corporels et des titres au porteur.

Notamment, le créancier gagiste de bonne foi, peut se prévaloir de son droit de gage, même si le constituant n’avait pas qualité pour disposer de la chose gagée. D’autre part, tout possesseur de bonne foi peut, même postérieurement à la constitution du gage, se prévaloir de son droit acquis sur la chose gagée.

Art. 971. – Si la chose gagée menace de dépérir, de se détériorer ou de diminuer de valeur, au point qu’il y ait lieu de craindre qu’elle ne puisse plus suffire pour la sûreté du créancier, et que le constituant ne demande pas sa restitution en lui substituant une autre garantie, le créancier ou le constituant peut demander au juge l’autorisation de la vendre aux enchères publiques, ou au cours du marché.

En autorisant la vente, le juge statue sur le dépôt du prix. Dans ce cas, le droit du créancier se transporte sur le prix.

Art. 972. – Si une occasion avantageuse pour la vente de la chose gagée se présente, le constituant peut, même avant l’échéance du terme fixé pour la réalisation du gage, demander au juge d’autoriser la vente. En autorisant la vente, le juge en règle les conditions et statue sur le dépôt du prix.

Art. 973. – A défaut de paiement de la dette, le créancier gagiste peut demander au juge, l’autorisation de vendre la chose aux enchères publiques ou au cours du marché.

Il peut également demander au juge de l’autoriser à s’approprier la chose en paiement de la dette jusqu’à due concurrence, d’après une estimation par experts.

Art. 974. – Les précédentes dispositions s’appliquent dans la mesure où elles ne sont incompatibles ni avec les lois de commerce, ni avec celles concernant les établissements autorisés à prêter sur gage. Ni avec les lois et règlements concernant des cas particuliers de mise en gage.

Art. 975. – La mise en page d’une créance n’est opposable au débiteur qu’après la notification ou l’acceptation prévues à l’article 241.

Ce gage n’est opposable aux tiers qu’après la remise du titre gagé au créancier, et il pend rang à la date certaine de la notification ou de l’acceptation

Art 976. – les titres nominatifs ou à ordre peuvent être mis en gage par le mode de transport spécial prescrit par la loi, pourvu qu’il soit spécifié que ce transport est fait à titre de gage et sans qu’il soit besoin de signification.

Art. 977. – les créances incessibles insaisissables ne peuvent pas être données en page.

Art. 978. – Sauf stipulation contraire, le créancier gagiste a le droit de recouvrer la prestation périodique, à charge de les imputer d’abord sur les frais, puis sur le capital de la créance garantie.

Le créancier gagiste est tenu de veiller à la conservation de la créance gagée Dans la mesure où il a le droit de recouvrer la créance sans le concours du constituant, il doit faire le recouvrement en temps et lieu et en aviser immédiatement le constituant.

Art. 979. – Le débiteur de la créance gagée peut opposer au créancier gagiste, tant les exceptions relatives à la validité de la créance garantie que celles qui lui appartiennent contre son propre créancier, dans la mesure où, en cas de cession, le débiteur cédé peut opposer des exceptions au cessionnaire.

Art. 980. – Si la créance gagée vient à échéance avant la créance garantie, le débiteur ne peut s’acquitter qu’entre les mains du créancier gagiste et du créancier constituant conjointement. Chacun de ces derniers peut exiger que la prestation soit consignée par le débiteur et ainsi le gage est transporté à cette prestation consignée.

Le créancier gagiste et le créancier constituant doivent coopérer ensemble pour que, sans préjudiciel aux droits du créancier gagiste, il soit fait de la prestation l’emploi le plus avantageux au constituant, avec mise en gage immédiate au profit du créancier gagiste.

Art. 981. – Si la créance gagée et la créance garantie deviennent exigibles, le créancier gagiste, non remboursé peut recouvrer la créance gagée jusqu’à concurrence de ce qui lui est dû, ou demander que cette créance soit vendue ou qu’elle lui soit attribuée conformément à l’article 970, alinéa 2.

TITRE IV: DES PRIVILÈGES

Chapitre I: Dispositions générales

Art. 982. – Le privilège est un droit de préférence concédé par la loi au profit d’une créance déterminée en considération de sa qualité.

Aucune créance ne peut être privilégiée qu’en vertu d’un texte de loi.

Art. 983- le rang du privilège est déterminé par la loi; à défaut d’une disposition spéciale déterminant le rang d’un privilège, celui-ci vient après les privilèges prévus par ce titre.

A moins de disposition légale contraire, les créances privilégiées au même rang sont payées par concurrence.

Art. 984. – Les privilèges généraux s’appliquent à tous les biens du débiteur, meubles ou immeubles; Les privilèges spéciaux s’exercent uniquement sur certains meubles ou immeubles déterminés.

Art. 985. – Le privilège n’est pas opposable au possesseur d’un meuble, s’il est de bonne foi.

Sont considérés comme possesseurs, aux termes de cet article, le bailleur d’un immeuble par rapport aux meubles garnissant les lieux loués et l’hôtelier par rapport aux effets déposés par les voyageurs à l’hôtel.

Si le créancier a de justes motifs de craindre que les meubles grevés du privilège établi à son profit ne soient détournés, il peut en demander la mise sous séquestre.

Art. 986. – Sont applicables aux privilèges immobiliers, les dispositions régissant l’hypothèque, en tant qu’elles ne sont pas incompatibles avec la nature de ces privilèges. Sont applicables, notamment, les dispositions relatives à la purge, à l’inscription, aux effets de cette inscription, à son renouvellement et à sa radiation.

Toutefois, les privilèges généraux, même portant sur des immeubles, ne sont pas soumis à la publicité et n’ont aucun droit de suite. De même, ne sont pas assujettis à la publicité les privilèges immobiliers garantissant les sommes dues au trésor public; tous ces privilèges ont rang avant tout autre privilège immobilier ou hypothèque, quelle que soit la date de son inscription. Entre eux, le privilège garantissant les sommes dues au trésor passe avant les privilèges généraux.

Art. 987. – Les dispositions applicables en cas de perte ou de détérioration du bien hypothéqué, s’appliquent aux biens grevés d’un privilège.

Art. 988. – A moins de disposition légale contraire, les privilèges s’éteignent par les mêmes modes et suivant les mêmes règles que l’hypothèque et le nantissement.

Chapitre II: Des différents privilèges

Art. 989. – En dehors des privilèges établis par des dispositions spéciales, les créances prévues aux articles suivants sont privilégiées.

Sections I: Des privilèges généraux et des
privilèges spéciaux mobiliers

Art. 990. – Ont privilège sur les prix des biens du débiteur, les frais de justice faits dans l’intérêt commun de tous les créanciers pour la conservation et la réalisation de ces biens.

Ces frais sont payés avant toutes les créances, même privilégiées ou hypothécaires, y compris celle des créanciers au profit desquels ont été faits. Les frais faits pour la réalisation des derniers, sont payés avant ceux de la procédure de distribution.

Art. 991.– Les sommes dues au trésor public pour impôts, taxes et autres droits de toute nature, sont privilégiées dans les conditions prévues aux lois et décrets régissant ces matières.

Ces sommes sont payées sur le prix des biens grevés, en quelque main qu’ils soient et passent avant toute autre créance, même privilégiées ou hypothécaire, excepté celles des frais de justice.

Art. 992. – Les frais faits pour la conversation et la réparation nécessaire d’un bien mobilier, sont privilégiés sur la totalité de ce bien.

Ces frais sont payés sur le prix de justice et les sommes dues au trésor public. Entre eux, ces frais sont payés dans l’ordre inverse de leur date.

Art. 993. – Les créances suivantes ont privilège sur tous les biens, meubles ou immeubles, du débiteur :

- les sommes dues aux gens de service, aux commis, ouvriers et à tous autres salariés pour leurs salaires et appointements de toute nature durant les douze derniers mois,

- les sommes dues pour fournitures de subsistance et habillement, faites au débiteur et aux personnes qui sont à sa charge, pour les six derniers mois,

- la pension alimentaire due par le débiteur aux personnes de sa famille pour les six derniers mois.

Ces créances sont payées immédiatement après les frais de justice, les sommes dues au trésor public et les frais de conservation et de réparation. Entre elle, elles sont payées au marc de franc.

Art. 994.- Les sommes dues pour semences, engrais et autres matières fertilisantes anti-parasitaires et les sommes dues pour les travaux de culture et de moisson, ont, au même rang, privilège sur la récolte pour la production de laquelle elles ont servi.

Ces sommes sont payées sur le prix de la récolte immédiatement après les créances ci-dessus mentionnées.

Il en est de même des sommes dues pour ustensiles d’agriculture, lesquelles ont, au même rang, privilège sur ces ustensiles.

Art. 995. – Les loyers et fermages pour deux ans ou pour toute la durée du bail si elle est inférieure à deux ans et tout ce qui est dû au bailleur en vertu du bail, ont privilège sur les meubles saisissables garnissant les lieux et sur la récolte s’y trouvant, qui appartienne au preneur.

Ce privilège s’exerce même si les meubles appartiennent à l’épouse du preneur ou à un tiers, tant qu’il n’est pas prouvé que le bailleur connaissait, au moment où ces meubles ont été introduits, l’existence du droit du tiers sur ces meubles et ce, sans préjudice des dispositions concernant les meubles volés ou perdus.

Le privilège s’exerce également sur les meubles et la récolte appartenant au sous-preneur, si le bailleur avait expressément interdit la sous-location. Si la sous-location n’a pas été interdite, le privilège ne peut s’exercer que jusqu’à concurrence des sommes dues par le sous-preneur au preneur, au moment de la sommation faite par le bailleur.

Ces créances privilégiées sont payées sur les prix des biens grevés après les créances ci-dessus mentionnées, à l’exception de celles dont le privilège n’est pas opposable au bailleur en tant qu’il est possesseur de bonne foi.

Si les biens grevés sont déplacés des lieux loués, nonobstant l’opposition du bailleur ou à son insu et qu’il n’y reste pas de biens suffisants pour répondre des créances privilégiées, le privilège subsiste sur les meubles déplacés, sans préjudice des droits acquis par les tiers de bonne foi. Le privilège subsiste, même au préjudice des droits des tiers pendant trois ans du jour du déplacement, si le bailleur a pratiqué sur les biens déplacés une saisie – revendication dans le délai légal. Toutefois, le bailleur doit rembourser le prix de ces biens au tiers de bonne foi qui en l’acquisition, soit dans un marché, soit aux enchères publiques, soit d’un marchant qui fait commerce d’objets semblables.

Art. 996. – Les sommes dues à l’hôtelier pour logement, entretien et toute fourniture au voyageur, ont privilège sur les effets apportés par ce dernier à l’hôtel ou à ses dépendances.

Ce privilège s’exerce sur les effets, alors même qu’ils n’appartiennent pas au voyageur, à moins qu’il ne soit prouvé que l’hôtelier avait connaissance, lors de leur introduction, de l’existence des droits des tiers sur des effets, pourvu qu’il ne s’agisse pas d’objets volés ou perdus. L’hôtelier peut, s’il n’est pas intégralement payé, s’opposer au déplacement de ces effets; s’ils sont déplacés, nonobstant son opposition ou à son insu, son privilège les suit, sans préjudice des droits acquis par des tiers de bonne foi.

Le privilège de l’hôtelier a le même rang que celui du bailleur. En cas de concours entre les deux privilèges, le premier en date l’emporte, à moins qu’il ne soit inopposable à l’autre.

Art. 997. – Le vendeur d’un bien mobilier a, sur ce bien, un privilège pour le prix et ses accessoires. Ce privilège subsiste sur le bien, tant qu’il conserve son individualité, sans préjudice des droits acquis par des tiers de bonne foi, et réserve faite des dispositions spéciales en matière commerciale.

Le rang de ce privilège vient après celui des privilèges mobiliers ci-dessus mentionnés. Toutefois, il est opposable au bailleur et à l’hôtelier s’il est établi que ceux-ci en avaient connaissance au moment de l’introduction du bien vendu dans le lieu loué ou dans l’hôtel.

Art. 998. – Les co-partageants d’un bien mobilier ont privilège sur ce bien pour leurs recours respectifs, à raison de ce partage et pour le paiement de la soulte.

Ce privilège a le même rang que le privilège du vendeur. En cas de concours entre les deux, le premier en date l’emporte.

Section II: Des privilèges spéciaux immobiliers

Art. 999.- Le vendeur d’un immeuble a un privilège sur cet immeuble pour garantir le prix et ses accessoires.

Ce privilège a le même rang que le privilège du vendeur, et il prend rang à partir de la date de la vente, si son inscription est effectuée dans le délai de deux mois à compter de celle-ci.

Passé ce délai, le privilège dégénère en hypothèque.

Art. 1000. - Les sommes dues aux entrepreneurs et aux architectes chargés d’édifier, reconstruire, réparer ou entretenir des bâtiments ou tout autre ouvrage, ont privilège sur ces ouvrages, mais jusqu’à concurrence de la plus-value provenant de ces travaux et existant lors de l’aliénation de l’immeuble.

Ce privilège doit être inscrit et prend rang à la date de son inscription.

Art. 1001. - Les co-partageants d’un immeuble ont privilège sur cet immeuble pour leurs recours respectifs, à raison de ce partage, y compris le droit de la soulte. Ce privilège doit être inscrit et prend rang dans les mêmes conditions que le privilège du vendeur visé à l’article 999.

Art. 1002. - Les délais de prescription fixés par le présent code, ne s’appliquent qu’aux faits intervenus postérieurement à la publication de la présente ordonnance au journal officiel de la république algérienne démocratique et populaire.

Art. 1003. – La présente ordonnance entre en vigueur à compter du 5 juillet 1975 et sera publiée au Journal officiel de la République algérienne démocratique et populaire.

Fait à Alger, le 26 septembre 1975.

Houari BOUMEDIENE

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